Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

révolution. Et comme tout mécanisme qu’on n’a pu éprouver par des expériences répétées avant d’en faire un emploi décisif, celui-ci expose à bien des mécomptes les hommes de bonne foi qui attendent tout de lui. Créer par un moyen factice une excitation révolutionnaire que la seule action des souffrances, des misères, des injustices usuelles n’aurait pas suffi à produire, est une entreprise bien aléatoire.

On a dit que la révolution ne se décrète pas. A plus forte raison peut-on dire qu’elle ne se fabrique pas, et qu’aucun mécanisme de conflit, si vaste et si ingénieux soit-il, ne peut suppléer la préparation révolutionnaire des choses et des esprits. Il ne suffira pas de poser d’abord la grève générale pour en faire ensuite réussir la révolution. Il se peut très bien que les prolétaires, s’ils ont besoin, à l’origine, pour entrer dans la grande action, d’un prétexte et même d’une illusion de légalité, reculent devant l’emploi de la force au moment où se dérobera ce prétexte et où se dissipera cette illusion. Le dé qui aura été jeté en l’air pourra bien retomber sur une face de violence ; il pourra retomber aussi sur une face d’inertie. Or, on ne pourra pas garder longtemps en main le cornet et recommencer indéfiniment le jeu. Il se peut, en tout cas, que dans ce mouvement dont les chefs auront compté sur la force