Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/491

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l’immense majorité des serfs appartenait à des seigneurs qui étaient en définitive à peu près des grands propriétaires fonciers possédant de plus en plus à titre individuel. Pendant le Moyen-Age, du dixième au quatorzième siècle, le servage se constitue comme un mode de ce que nous nommons la propriété individuelle. C’est le seigneur qui dispose du travail des serfs. Serfs agricoles, disséminés sur l’immense domaine, serfs industriels, boulangers, charrons, orfèvres, fileurs, tisseurs, réunis dans les annexes de la maison seigneuriale, tous ils sont sous la loi d’un individu : ils sont compris dans sa propriété ; ils sont vendus par lui avec le domaine. Ils sont, comme la terre même, comme la prairie, comme la vigne, comme les bœufs, un des objets sur lesquels la propriété individuelle s’exerce.


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J’entends bien que l’esclavage et le servage ont été éliminés de la propriété individuelle. Mais les radicaux peuvent-ils avoir l’assurance que tout élément de servitude, d’oppression, d’injustice, en a disparu ? Et de quel droit prononcent-ils de façon générale et abstraite le mot de propriété individuelle, alors que le sens de ce mot varie avec le mouvement même de l’histoire ? De pareilles