Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/541

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l’être qu’en immeubles, ou avec privilège sur les immeubles. »

Ainsi, quand le grand-père, après avoir laissé, comme la loi l’y oblige, les trois quarts de son bien à ses enfants, veut faire parvenir à ses petits-enfants le quart dont il peut disposer, il remet ce quart en dépôt aux mains de ses enfants, et ceux-ci sont tenus de constituer ce dépôt en valeurs définies, résistantes et inaltérables. Ils peuvent percevoir les fruits ; mais ils ne peuvent toucher au fond. Et ce dépôt inaltérable, inaliénable, dès qu’il parviendra aux petits-enfants, sera également partagé entre eux. L’effort de la loi est immense et subtil pour préserver de toute atteinte individuelle la propriété familiale fondée et protégée par l’État.

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Où donc, dans toutes ces combinaisons, est cette faculté de disposer, qui est, selon le Code civil, l’essence même de la propriété ? à vrai dire, et à prendre les choses d’ensemble et de haut, la pleine propriété individuelle n’existe pas en France. Aucun individu n’y a le droit entier de disposer de son bien. Sous la discipline de la loi successorale, tout propriétaire est moins un propriétaire qu’un dépositaire. Il a en dépôt une propriété de classe,