Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/550

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quel droit enlever aux individus la faculté de disposer de leurs biens par donation ou testament ? De quel droit se substituer à eux pour l’emploi décisif de leur fortune, pour le choix de ceux qui en doivent continuer l’usage et développer les germes ?

La Révolution répond nettement, hardiment, par tous ses grands hommes, par Mirabeau comme par Robespierre, par ses grands économistes et ses grands juristes, par Dupont De Nemours comme par Tronchet, que la propriété est un fait social, qu’elle dérive de la société, qu’elle n’existe et ne peut exister que par la société ; que sans doute la société, dans son propre intérêt et dans celui de la liberté, a donné à ce fait social la forme individuelle ; mais que les individus, ne possédant qu’en vertu de la société, doivent, dans l’usage qu’ils font de leur propriété, être soumis aux lois, aux conditions que la société leur impose. La révolution ajoute que c’est déjà bien assez pour l’individu d’avoir, de son vivant et par des actes qui n’engagent pas le fond même de la propriété, administré librement le domaine particulier qu’il s’est constitué dans l’activité sociale. Il ne peut pas prétendre prolonger son droit, sa volonté au delà du tombeau, et commander dans la mort. c’est la société vivante, la société impérissable qui commande à sa place, et qui, tout le long même de sa vie d’individu, lui interdit