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LA PROPRIÉTÉ INDIVIDUELLE ET LES LOIS BOURGEOISES D'EXPROPRIATION


I


La déclaration des droits de l’homme a proclamé que nul ne pouvait être privé de sa propriété que par une loi, et sous condition d’une juste et préalable indemnité. assurément, c’est une garantie donnée à la propriété. Il n’en est pas moins vrai que la société bourgeoise est obligée de prévoir, dans la charte même de ses droits, l’expropriation légale pour cause d’utilité publique. Le fond de la propriété n’est pas atteint par là, puisque l’individu exproprié reçoit l’équivalent de ce que la société lui enlève. Mais la société se reconnaît le droit de changer, aux mains de l’individu, la forme de sa propriété. Il avait un champ, une maison, un jardin, une fabrique : la loi lui enlève son champ, sa maison, son jardin, sa fabrique, et elle lui remet une valeur d’un tout autre ordre, une somme d’argent ou un titre de rente. En vain le propriétaire protestera-t-il qu’il tient à la forme particulière de sa propriété plus qu’à la valeur même de cette