Page:Charles Peguy - Cahiers de la Quinzaine 3e serie vol 1-4 - Jaurès -1901.djvu/598

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personnel a cessé entre la propriété anonyme et le propriétaire : ils ne sont même plus de la même patrie. Et au demeurant, quand un capitaliste de Toulon a des actions sur les mines du Pas-De-Calais, il y a presque aussi peu de rapports personnels entre le propriétaire et sa propriété que si le capitaliste détenait une valeur étrangère.

C’est même parce que dans l’intérieur même de la nation la propriété a commencé à devenir étrangère au propriétaire, qu’entre toutes les valeurs, dites étrangères ou dites nationales, il n’y a plus pour le capitaliste aucune différence. Innovation curieuse et bien significative ! Autrefois, avant l’extension des sociétés de commerce, et notamment des sociétés anonymes, les hommes ne recouraient aux journaux que pour s’informer de ce qui n’était point leur propre vie. Ils n’achetaient point le journal pour savoir quelle était leur fortune et quels seraient leurs revenus. Tout au plus ceux qui avaient des rentes sur l’État — et c’était déjà une première forme de propriété anonyme — achetaient-ils les journaux pour savoir quels contre-coups la marche des affaires publiques aurait sur leur fortune privée. Maintenant, il n’y a guère de possédant bourgeois qui ne soit obligé de lire des journaux spéciaux, des journaux financiers, pour savoir où en est sa propre fortune. la propriété est devenue