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ATTENTATS DANS L'YONNE

au ministre qui l’interrogeait sur des actes de sa vie politique, hors du lycée ; en luttant pour sa propre indépendance, qu’on s’en rende compte ou non, il a lutté pour la dignité du corps enseignant tout entier et pour l’affranchissement politique des fonctionnaires plus humbles et plus désarmés que les préfets tiennent dans une véritable servitude.

Un Sans-Patrie

D’ordinaire, quand un ministre commet un acte d’arbitraire à l’égard d’un de ses subordonnés, celui-ci se tait, ronge son frein et médite en silence l’histoire du pot de terre et du pot de fer, à moins qu’il ne s’aplatisse pour rentrer en grâce et ne pas être jeté à la rue. La plupart des fonctionnaires, n’ayant aucune garantie sérieuse contre le despotisme de leurs chefs, n’ont guère d’autre alternative.

Il se trouve, pour une fois, qu’un ministre a violé le droit d’un fonctionnaire énergique, têtu — un vrai Breton ! — à cheval sur les principes et qui est bien décidé à ne pas se laisser faire ; il se trouve que ce fonctionnaire est au point de vue professionnel très bien noté, que sa valeur morale ne fait de doute pour personne, qu’il n’est un politicien vulgaire ni un arriviste en quête de réclame ; enfin, avantage appréciable ! il se trouve que ce fonctionnaire appartient à un corps qui jouit de garanties précieuses, refusées à beaucoup de fonctionnaires : M. Hervé, en qualité d’agrégé de l’Université, ne peut être privé de son traitement qu’avec l’agrément des tribunaux universitaires, le conseil académique et le conseil supérieur de l’Instruction publique, et chacun sait que, depuis le beau réveil