Page:Charnay Désiré Aventures d'une famille en voyage 1898.djvu/64

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— Certainement ; ce sont des guacamayos en espagnol et des aras en français.

— Et voilà tout ?

— Quoi de plus ? dit l’enfant légèrement intimidé. C’est un ara.

— Mais il y a ara et ara, poursuivit Sulpice ; quel est son nom de famille, l’espèce de celui-ci, à quoi peut-il servir, qu’en faisaient les Indiens autrefois et qu’en font-ils même aujourd’hui ?

— On le mange.

— On le mange ! voilà un joli cours d’histoire naturelle et te voilà bien avancé !

— Allons, ne rougis pas, dit Frémont au pauvre petit, confus et comprenant qu’il avait fait fausse route ; sois plus prudent à l’avenir. On croit tout savoir quand on ne sait rien. Consulte ton maître en toutes choses.

— Eh bien, va, Sulpice, j’avoue que je suis une bête.

— Comme pour la chachalaca, le nom vulgaire de l’ara n’est qu’une imitation de son cri et c’est un diminutif du nom que les Guaranis lui ont donné ; ils rappellent araraca. En histoire naturelle il fait partie de la famille des Psittacidés et il y en a une foule d’espèces, que tu ne connais sans doute pas. Ceux que tu viens de tuer sont des aras rouges, qui sont des plus beaux ; mais il y a l’ara tricolore, l’ara bleu, l’ara militaire ou l’ara vert, etc.

« Tu as dit qu’on le mangeait, oui, mais sa chair est d’un usage peu répandu ; c’est en Guyane surtout qu’on le mange. Là on l’engraisse avec du piment, et sa chair sent alors le girofle ou la cannelle, tandis que lorsqu’il se nourrit des fruits de l’acajou, il sent l’ail. Comme usage, les Indiens faisaient un grand commerce de plumes d’aras : petites et grandes ils les employaient toutes : les petites pour leurs étoffes et leurs peintures de plumes, dont les Espagnols parlent avec admiration ; les grandes pour les ornements de tête, les éventails et les étendards ; ébarbées, elles servaient aussi pour empenner les flèches. »

Mais la nuit était venue, on ne se distinguait plus qu’à la lueur des feux, et chacun alla s’étendre sous sa moustiquaire.