Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/108

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qui ne luy peust faillir, et de quoy aussi elle se doibt contenter en ce monde. Personne ne debat que le vice ne soit à esviter et à hayr sur toutes choses ; mais c’est une question, s’il se pouvoit presenter tel profict, ou tel plaisir, pour lequel tel vice feust excusablement faisable. Il semble bien qu’ouy à plusieurs : du profict s’il est public, il n’y a poinct de doubte (avec les modifications toutesfois qui se diront en la vertu de prudence politique), mais aucuns en veulent autant dire du profict et du plaisir particulier. L’on en pourroit plus seurement parler et juger, estant proposé un faict et un exemple certain ; mais, pour en parler tout simplement, il se faut tenir ferme à la negative. Que le peché ne puisse fournir tel plaisir et contentement au dedans, comme faict la preud’homie, il n’y a aucun doubte ; mais qu’il gehenne et tourmente, comme il a esté dict, il n’est pas universellement ny en tout sens vray : par quoy il faut distinguer. Il y a trois sortes de meschancetez et de gens vicieux. Les uns sont incorporez au mal par discours et resolution ou par longue habitude, tellement que leur entendement mesme y consent et l’approuve ; c’est quand le peché, ayant rencontré une ame forte et vigoureuse, est tellement enraciné en elle, qu’il y est formé et comme naturalisé, elle en est imbuë et teincte du tout. D’autres, à l’opposite, font mal par bouttées, selon que le vent impetueux de la tentation trouble, agite et precipite l’ame