Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/202

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

unique de verité, justice, bienseance, la loy et coustume de son pays. Que si on luy dict qu’ainsi en jugent et parlent les autres en leur rang, autant offensez de nos coustumes et façons comme nous des leurs, il tranche tout court à sa mode, que ce sont bestes et barbares, qui est tousiours dire mesme chose. Le sage est bien plus retenu, comme sera dict ; il ne se haste poinct d’en juger, de peur de s’eschauder et faire tort à son jugement : et de faict il y a plusieurs loix et coustumes qui semblent du premier coup sauvages, inhumaines et contraires à toute bonne raison, que si elles estoient sans passion et sainement considerées, si elles ne se trouvoient du tout justes et bonnes, pour le moins ne seroient-elles sans quelque raison et deffense. Prenons-en quelques-unes pour exemple, les deux premieres qu’avons dict qui semblent bien estre des plus estranges et eslongnées du debvoir de pieté, tuer ses parens en certain estat et les manger. Ceux qui ont ceste coustume la prennent pour tesmoignage de pieté et bonne affection, cherchant par là premierement à delivrer par pitié leurs parens vieux, et non seulement du tout inutiles à soy et à autruy, mais onereux, languissans et meinans vie penible, douloureuse et ennuyeuse à soy et à autruy, pour les mettre en repos et à leur aise : puis leur donnant la plus digne et loüable sepulture,