Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/231

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entre deux envies, jamais ne choisiroit, car tout choix et inclination porte inegalité. Un autre precepte en ceste matiere est de prendre advis et conseil d’autruy ; car se croire et se fier en soy seul est très dangereux. Or icy sont requis deux advertissemens de prudence : l’un est au choix de ceux à qui l’on se doibt addresser pour avoir conseil ; car il y en a de qui plustost il se faut cacher et garder. Ils doibvent estre premierement gens de bien et fideles (c’est icy mesme chose), puis bien sensez et advisez, sages, experimentez. Ce sont les deux qualitez de bons conseillers, preud’homie et suffisance : l’on peust adjouster un troisiesme, qu’ils n’ayent ny leurs proches et intimes, aucun particulier interest en l’affaire ; car encore que l’on puisse dire que cela ne les empeschera de bien conseiller, estant, comme dict est, preud’hommes, je pourray repliquer qu’outre que ceste tant grande, forte et philosophique preud’homie, qui n’est touchée de son propre interest, est bien rare, encore est-ce grande imprudence de les mettre en ceste peine et anxieté, et comme le doigt entre deux pierres. L’autre advertissement est de bien ouyr et recepvoir les conseils, les prenant d’heure sans attendre l’extremité, avec jugement et douceur, aymant qu’on dise librement et franchement la verité.