Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/245

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le sot et le foible ? C’est de ceste foiblesse que la pluspart des hommes mourans ne peuvent du tout se resouldre que ce soit leur derniere heure, et n’est endroict où la pipperie de l’esperance amuse plus : cela advient aussi peust-estre de ce que nous estimons grande chose nostre mort, et nous semble que l’université des choses a interest de compastir à nostre fin, tant fort nous nous estimons. Et puis tu te monstres injuste ; car si la mort est bonne chose, comme elle est, pourquoy la crains-tu ? Si c’est une mauvaise chose, pourquoy l’empires-tu, et adjoustes mal sur mal, à la mort encore de la douleur ? Comme celuy qui, spolié d’une partie de ses biens par l’ennemy, jette le reste en la mer, pour dire qu’en ceste façon il regrette qu’il a esté devalizé. Finalement craindre la mort c’est estre ennemy de soy et de sa vie ; car celuy ne peust vivre à son aise et content, qui crainct de mourir. Celuy-là vit vrayement libre, qui ne crainct poinct la mort : au contraire le vivre est servir, si la liberté de mourir en est à dire. La mort est le seul appuy de nostre liberté, commune et prompte recepte à tous maux : c’est donc estre bien miserable (et ainsi le sont presque tous) qui trouble