Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/275

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La mort a des formes plus aisées les unes que les autres, et prend diverses qualitez, selon la fantasie de chascun : entre les naturelles, celle qui vient d’affoiblissement et appesantissement est plus douce et plus molle : entre les violentes, la meilleure est la plus courte et la moins premeditée. Aucuns desirent faire une mort exemplaire et demonstratifve de constance et suffisance, c’est considerer autruy, et chercher encore lors reputation ; mais c’est vanité, car cecy n’est pas acte de societé, mais d’un seul personnage : il y a assez d’affaires chez soy ; au dedans se consoler, sans considerer autruy ; et puis lors cesse tout interest à la reputation. Celle est la meilleure mort qui est bien recueillie en soy, quiete, solitaire, et toute à celuy qui est à mesme. Ceste grande assistance des parens et amis apporte mille incommoditez, presse et estouffe le mourant ; on luy tourmente l’un les oreilles, l’autre les yeux, l’autre la bouche : les cris et les plainctes, si elles sont vrayes, serrent le cœur ; si feinctes et masquées, font despit. Plusieurs grands personnages ont cherché de mourir loin des leurs pour esviter ceste incommodité : c’est aussi une puerile