Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome II, 1827.djvu/438

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cours à la justice commutatifve, tacitement permettent de se tromper l’un l’autre, et à certaine mesure ; mais qu’il ne passe poinct la moitié de juste prix, et c’est pource qu’ils ne sçauroient mieux faire. Et en la justice distributifve combien d’innocens prins, et de coulpables absous et relaxez, et sans la faute des juges, sans compter le trop, ou le trop peu, qui est presque perpetuel en la plus nette justice ! La justice s’empesche elle-mesme, et la suffisance humaine ne peust voir ny pourvoir à tout. Voyci entre autres un grand deffaut en la justice distributifve de punir seulement, et non salarier, bien que ce soyent les deux parties et les deux mains de la justice ; mais selon qu’elle s’exerce communement elle est manchotte et incline toute à la peine. La plus grande faveur que l’on reçoive d’elle, c’est l’indemnité, qui est une monnoye trop courte pour ceux qui font mieux que le commun. Mais il y a encore plus ; car soyez deferé et accusé à tort, vous voylà en peine et souffrez beaucoup ; enfin vostre innocence cogneuë, vous en sortez absous de la derniere punition, mais sans reparation de l’affliction, qui vous demeure tousiours. Et l’accusateur, moyennant qu’il aye apporté si petite couleur que ce soit (qui est facile à faire), s’en va