Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/11

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sage honore et respecte le mary : en privé, la collaterale, privée et familiere. Ceste amitié de mariage est encore d’une autre façon double et composée ; car elle est spirituelle et corporelle, ce qui n’est pas ez autres amitiez, sinon en celle qui est reprouvée par toutes bonnes loix, et par la nature mesme. L’amitié donc conjugale par ces raisons est grande, forte et puissante. Il y a toutesfois deux ou trois choses qui la relaschent, et empeschent qu’elle puisse parvenir à perfection d’amitié : l’une, qu’il n’y a que l’entrée du mariage libre ; car son progrez et sa durée est toute contraincte, forcée, j’entends aux mariages chrestiens ; car par-tout ailleurs elle est moins contraincte, à cause des divorces qui sont permis : l’autre est la foiblesse et insuffisance de la femme, qui ne peust respondre et tenir bon à ceste parfaicte conference et communication des pensées et jugemens : son ame n’est pas assez forte et ferme pour fournir et soustenir l’estraincte d’un nœud si fort, si serré, si durable ; c’est comme nouer une chose forte et grosse avec une mince et deliée. Ceste-cy ne remplissant pas assez, s’eschappe, glisse, et se desrobe de l’autre. Encore y a-il icy qu’en l’amitié des mariez ils se meslent de tant d’autres choses estrangeres, les enfans, les parens d’une part et d’autre, et tant d’autres fusées à demesler qui troublent souvent et relaschent une vifve