Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/201

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debvoir apporter de l’affliction, nous ameinera de la consolation. Combien peust-il survenir de rencontres qui pareront au coup que nous craignons ! Le foudre se destourne avec le vent d’un chapeau, et les fortunes des grands estats avec un petit moment. Un tour de roue met en haut ce qui estoit en bas, et bien souvent d’où nous attendons nostre ruine, nous recepvons nostre salut. Il n’y a rien si subject à estre trompé que la prudence humaine. Ce qu’elle espere luy manque, ce qu’elle crainct s’escoule, ce qu’elle n’attend poinct luy arrive. Dieu tient son conseil à part : ce que les hommes ont deliberé d’une façon, il le resoult d’une autre. Ne nous rendons poinct malheureux devant le temps, et peust-estre ne le serons-nous poinct du tout. L’advenir, qui trompe tant de gens, nous trompera aussitost en nos crainctes qu’en nos esperances. C’est une maxime fort celebre en la medecine, qu’ez maladies aiguës les predictions ne sont jamais certaines : ainsi est-il aux plus furieuses menaces de la fortune ; tant qu’il y a vie, il y a esperance : l’esperance demeure aussi long-temps au corps que l’esprit : (…).