Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/232

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voluptez. Parquoy cecy ne se vuide pas en un mot et tout simplement : faut distinguer, les voluptez sont diverses. Il y en a de naturelles et non naturelles : ceste distinction, comme plus importante, sera tantost plus considerée. Il y en a de glorieuses, fastueuses, difficiles ; d’autres sombres, doucereuses, faciles, et prestes. Combien qu’ à la verité dire, la volupté est une qualité peu ambitieuse ; elle s’estime assez riche de soy sans y mesler le prix de la reputation, et s’ayme mieux à l’ombre. Celles aussi qui sont tant faciles et prestes sont lasches et morfondues, s’il n’y a de la mal-aisance et difficulté ; laquelle est un allechement, une amorce, un esguillon à icelles. La ceremonie, la vergongne et difficulté qu’il y a de parvenir aux derniers exploicts de l’amour, sont ses esguisemens et allumettes, c’est ce qui luy donne le prix et la poincte. Il y en a de spirituelles et corporelles : non qu’ à vray dire, elles soyent separées ; car elles sont toutes de l’homme entier et de tout le subject composé, et une partie de nous n’en a poinct de si propres que l’autre ne s’en sente, tant que dure le mariage et amoureuse liaison de l’esprit et du corps en ce monde. Mais bien y en a ausquelles l’esprit a plus de part que le corps, dont conviennent mieux à l’homme qu’aux bestes, et sont plus durables, comme celles qui entrent en nous par les sens de la veuë et de l’ouye, qui sont deux portes de l’esprit ; car ne faisant que passer par-là, l’esprit les reçoit, les cuit et digere, s’en paist et delecte