Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/56

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et faict oublier tous les precedens bienfaicts. Ceux qui se peuvent recognoistre et recepvoir la pareille ; comme au contraire les autres engendrent hayne : car celuy qui se sent du tout obligé sans pouvoir payer, toutes les fois qu’il void son bienfacteur, il pense voir le tesmoin de son impuissance, ou ingratitude, et luy faict mal au coeur. Il y en a qui plus sont honnestes et gracieux, plus sont poysans au recepvant, s’il est homme d’honneur, comme ceux qui lient la conscience, la volonté ; car ils serrent bien plus et le font demeurer en cervelle, et en craincte de s’oublier et faillir. L’on est bien plus prisonnier soubs la parole que soubs la clef. Il vaut mieux estre attaché par les liens civils et publics que par la loy d’honnesteté et de conscience ; plustost deux notaires qu’un. Je me fie en vous, en vostre foy et conscience : cestuy-ci faict plus d’honneur, mais estrainct, serre, sollicite, et presse bien plus : en celuy-là l’on s’y porte plus laschement ; car l’on se fie que la loy et les attaches externes reveilleront assez quand il faudra. Où y a de la contraincte, la volonté se relasche : où y a moins de contraincte, la volonté se resserre : (…).