Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/73

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jeunesse, qui est la semence de la republique. Et ne vient poinct tant de mal au public de l’ingratitude des enfans envers leurs parens, comme de la nonchalance des parens en l’instruction des enfans : dont, avec grande raison, en Lacedemone, et autres bonnes polices, y avoit punition et amende contre les parens, quand leurs enfans estoient mal complexionnez. Et disoit Platon qu’il ne sçavoit poinct en quoy l’homme deust apporter plus de soin et de diligence qu’ à faire un bon fils. Et Crates s’escrioit en cholere : à quel propos tant de soin d’amasser des biens, et ne se soucier à qui les laisser ? C’est comme se soucier du soulier et non de son pied. Pourquoy des biens à un qui n’est pas sage, et n’en sçait user ? Comme une belle et riche selle sur un mauvais cheval. Les parens donc sont doublement obligez à ce debvoir, et pource que ce sont leurs enfans, et pource que ce sont les plantes tendres et l’esperance de la republique ; c’est cultiver sa terre et celle du public ensemble. Or cest office a quatre parties successifves, selon les quatre biens que l’enfant doibt recepvoir successifvement de ses parens, la vie, la nourriture, l’instruction, la communication. La premiere regarde le temps que l’enfant est au ventre jusques à la sortie inclusivement : la seconde, le temps de l’enfance au berceau,