Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/79

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honte des parens, demeurent esclaves de ceux qui les enlevent et nourrissent, qui n’ont soin de les elever et preserver du feu, de l’eaue et de tout encombre. La troisiesme partie, qui est de l’instruction, sera plus serieusement traictée. Sitost que cest enfant marchant et parlant commencera à remuer son ame avec le corps, et que les facultez d’icelle s’ouvriront et desvelopperont la memoire, l’imagination, la ratiocination, qui sera à quatre ou cinq ans, il faut avoir un grand soin et attention à le bien former ; car ceste premiere teincture et liqueur de laquelle sera imbuë ceste ame, aura une très grande puissance. Il ne se peust dire combien peust ceste premiere impression et formation de la jeunesse, jusques à vaincre la nature mesme : nourriture, dict-on, passe nature. Lycurgue le fit voir à tout le monde par deux petits chiens de mesme ventrée, mais diversement nourris, produicts en public : auxquels ayant presenté des souppes et un petit lievre, le nourry mollement en la maison s’arresta à la souppe, et le nourry à la chasse, quittant la souppe, courut après le lievre. La force de ceste instruction vient de ce qu’elle y entre facilement et difficilement sort : car y entrant la premiere, y prend telle place et creance que l’on veust, n’y en ayant poinct d’autre precedente qui la luy conteste ou