Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome III, 1827.djvu/91

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magazin où demeure et se garde ceste grande provision, l’estuy de la science et des biens acquis, est la memoire. Qui a bonne memoire, il ne tient qu’ à luy qu’il n’est sçavant, car il en a le moyen. La sagesse est un maniement doux et reiglé de l’ame : celuy-là est sage qui se conduict en ses desirs, pensées, opinions, paroles, faicts, reiglemens, avec mesure et proportion. Bref, en un mot, la sagesse est la reigle de l’ame ; et celuy qui manie ceste reigle, c’est le jugement, qui void, juge, estime toutes choses, les arrange comme il faut, rend à chascun ce qui luy appartient. Voyons maintenant leurs differences, et de combien la sagesse vaut mieux. La science est un petit et sterile bien au prix de la sagesse ; car non seulement elle n’est poinct necessaire, car des trois parties du monde les deux et plus s’en passent bien ; mais encore elle est peu utile et sert à peu de chose. Elle ne sert poinct à la vie : combien de gens riches et pauvres, grands et petits, vivent plaisamment et heureusement, sans avoir ouy parler de science ! Il y a bien d’autres choses plus utiles au service de la vie et societé humaine, comme l’honneur, la gloire, la noblesse, la dignité, qui toutesfois ne sont necessaires. 2 ny aux choses naturelles, lesquelles