Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/181

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Or, de tels préceptes sont directement opposés au cri de l’orgueil : on y voit la nature corrigée, la nature plus belle, la nature évangélique. Cette humilité que le christianisme a répandue dans les sentiments, et qui a changé pour nous le rapport des passions, comme nous le dirons bientôt, perce à travers tout le rôle de la moderne Andromaque. Quand la veuve d’Hector, dans l’Iliade, se représente la destinée qui attend son fils, la peinture qu’elle fait de la future misère d’Astyanax a quelque chose de bas et de honteux ; l’humilité, dans notre religion, est bien loin d’avoir un pareil langage : elle est aussi noble qu’elle est touchante. Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie ; mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu, qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.


Chapitre VII - Le Fils. — Guzman

Voltaire va nous fournir encore le modèle d’un autre caractère chrétien, le caractère du fils. Ce n’est ni le docile Télémaque avec Ulysse, ni le fougueux Achille avec Pélée : c’est un jeune homme passionné, dont la religion combat et subjugue les penchants.

Alzire, malgré le peu de vraisemblance des mœurs, est une tragédie fort attachante ; on y plane au milieu de ces régions de la morale chrétienne, qui, s’élevant au-dessus de la morale vulgaire, est d’elle-même une divine poésie. La paix qui règne dans l’âme d’Alvarez n’est point la seule paix de la nature. Supposez que Nestor cherche à modérer les passions d’Antiloque, il citera d’abord des exemples de jeunes gens qui se sont perdus pour n’avoir pas voulu écouter leurs pères ; puis, joignant à ces exemples quelques maximes connues sur l’indocilité de la jeunesse et sur l’expérience des vieillards, il couronnera ses remontrances par son propre éloge et par un regret sur les jours du vieux temps.

L’autorité qu’emploie Alvarez est d’une autre espèce : il met en