Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/21

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et nous les abandonnons à ceux qui ont étudié la secte italique et la haute théologie chrétienne.

Quant aux images qui soumettent à la foiblesse de nos sens le plus grand des mystères, nous avons peine à concevoir ce que le redoutable triangle de feu imprimé dans la nue peut avoir de ridicule en poésie. Le Père, sous la figure d’un vieillard, ancêtre majestueux des temps, ou représenté comme une effusion de lumière, seroit-il donc une peinture si inférieure à celles de la mythologie ? N’est-ce pas une chose merveilleuse de voir l’Esprit saint, l’esprit sublime de Jéhovah, porté par l’emblème de la douceur, de l’amour et de l’innocence ? Dieu se sent-il travaillé du besoin de semer sa parole, l’Esprit n’est plus cette Colombe qui couvroit les hommes de ses ailes de paix, c’est un verbe visible, c’est une langue de feu qui parle tous les dialectes de la terre, et dont l’éloquence élève ou renverse des empires.

Pour peindre le Fils divin, il nous suffira d’emprunter les paroles de celui qui le contempla dans sa gloire. « Il étoit assis sur un trône, dit l’Apôtre ; son visage brilloit comme le soleil dans sa force, et ses pieds comme de l’airain fondu dans la fournaise ; ses yeux étoient deux flammes. Un glaive à deux tranchants sortoit de sa bouche ; dans la main droite il tenoit sept étoiles ; dans la gauche, un livre scellé de sept sceaux. Un fleuve de lumière étoit devant ses lèvres. Les sept esprits de Dieu brilloient devant lui comme sept lampes ; et de son marchepied sortaient des voix, des foudres et des éclairs[1]. »


CHAPITRE IV

De la Rédemption



De même que la Trinité renferme les secrets de l’ordre métaphysique, la Rédemption contient les merveilles de l’homme et l’histoire de ses fins et de son cœur. Avec quel étonnement, si l’on s’arrêtoit un peu dans de si hautes méditations, ne verroit-on pas s’avancer ces deux mystères qui cachent dans leurs ombres les premières intentions de Dieu et le système de l’univers ! La Trinité confond notre petitesse, accable nos sens de sa gloire, et nous nous retirons anéantis devant elle. Mais la touchante Rédemption, en remplissant nos yeux de larmes, les empêche d’être trop éblouis, et nous permet du moins de les fixer un moment sur la croix.

  1. Apoc., cap. I et IV.