Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/273

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l’accordée au fils de son maître, ou le fils du maître s’engage à garder pendant sept ans les troupeaux de son beau-père, pour obtenir sa fille. Un patriarche est porté par ses fils, après sa mort, à la cave de ses pères, dans le champ d’Ephron. Ces mœurs-là sont plus vieilles encore que les mœurs homériques, parce qu’elles sont plus simples : elles ont aussi un calme et une gravité qui manquent aux premières.

3 o La narration.

La narration d’Homère est coupée par des digressions, des discours, des descriptions de vases, de vêtements, d’armes et de sceptres ; par des généalogies d’hommes ou de choses. Les noms propres y sont hérissés d’épithètes ; un héros manque rarement d’être divin, semblable aux Immortels ou honoré des peuples comme un dieu. Une princesse a toujours de beaux bras ; elle est toujours comme la tige du palmier de Délos, et elle doit sa chevelure à la plus jeune des Grâces.

La narration de la Bible est rapide, sans digression, sans discours : elle est semée de sentences, et les personnages y sont nommés sans flatterie. Les noms reviennent sans fin, et rarement le pronom les remplace, circonstance qui, jointe au retour fréquent de la conjonction et, annonce par cette simplicité une société bien plus près de l’état de nature que la société peinte par Homère. Les amours-propres sont déjà éveillés dans les hommes de l’Odyssée, ils dorment encore chez les hommes de la Genèse.

4 o Description.

Les descriptions d’Homère sont longues, soit qu’elles tiennent du caractère tendre ou terrible, ou triste, ou gracieux, ou fort ou sublime.

La Bible, dans tous ses genres, n’a ordinairement qu’un seul trait ; mais ce trait est frappant et met l’objet sous les yeux.

5 o Les comparaisons.

Les comparaisons homériques sont prolongées par des circonstances incidentes : ce sont de petits tableaux suspendus au pourtour et un édifice, pour délasser la vue de l’élévation des dômes, en l’appelant sur des scènes de paysages et de mœurs champêtres.

Les comparaisons de la Bible sont généralement exprimées en quelques mots : c’est un lion, un torrent, un orage, un incendie, qui rugit, tombe, ravage, dévore. Toutefois, elle connaît aussi les comparaisons détaillées, mais alors elle prend un tour oriental, et personnifie l’objet, comme l’orgueil dans le cèdre, etc.

6 o Le sublime.

Enfin le sublime dans Homère naît ordinairement de l’ensemble des parties, et arrive graduellement à son terme.