Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/359

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et le firmament, sur ces roches escarpées, c’est là que de pieux solitaires prennent leur vol vers le ciel comme les aigles de la montagne.

Les cellules rondes et séparées des couvents égyptiens sont renfermées dans l’enceinte d’un mur qui les défend des Arabes. Du haut de la tour bâtie au milieu de ces couvents on découvre des landes de sable d’où s’élèvent les têtes grisâtres des pyramides, ou des bornes qui marquent le chemin au voyageur. Quelquefois une caravane abyssinienne, des Bédouins vagabonds, passent dans le lointain à l’un des horizons de la mouvante étendue ; quelquefois le souffle du midi noie la perspective dans une atmosphère de poudre. La lune éclaire un sol nu où des brises muettes ne trouvent pas même un brin et herbe pour en former une voix. Le désert sans arbres se montre de toutes parts sans ombre ; ce n’est que dans les bâtiments du monastère qu’on retrouve quelques voiles de la nuit.

Sur l’isthme de Panama en Amérique, le cénobite peut contempler du faîte de son couvent les deux mers qui baignent les deux rives du Nouveau Monde : l’une souvent agitée quand l’autre repose, et présentant aux méditations le double tableau du calme et de l’orage.

Les couvents situés dans les Andes voient s’aplanir au loin les flots de l’océan Pacifique. Un ciel transparent abaisse le cercle de ses horizons sur la terre et sur les mers, et semble enfermer l’édifice de la religion sous un globe de cristal. La fleur capucine, remplaçant le lierre religieux, brode de ses chiffres de pourpre les murs sacrés ; le Lamaz traverse le torrent sur un pont flottant de lianes, et le Péruvien infortuné vient prier le Dieu de Las Casas.

Tout le monde a vu en Europe de vieilles abbayes cachées dans les bois où elles ne se décèlent aux voyageurs que par leurs clochers perdus dans la cime des chênes. Les monuments ordinaires reçoivent leur grandeur des paysages qui les environnent ; la religion chrétienne embellit au contraire le théâtre où elle place ses autels et suspend ses saintes décorations. Nous avons parlé des couvents européens dans l’histoire de René et retracé quelques-uns de leurs effets au milieu des scènes de la nature ; pour achever de montrer au lecteur ces monuments, nous lui donnerons ici un morceau précieux que nous devons à l’amitié. L’auteur y a fait de si grands changements, que c’est, pour ainsi dire, un nouvel ouvrage. Ces beaux vers prouveront aux poètes que leurs muses gagneraient plus à rêver dans les cloîtres qu’à se faire l’écho de l’impiété.

La chartreuse de Paris.