Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/385

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chômé par cent millions de chrétiens sur la surface du globe, fêté par les saints et les milices célestes, et, pour ainsi dire, gardé par Dieu même dans les siècles de l’éternité.


Chapitre V - Explication de la Messe

Il y a un argument si simple et si naturel en faveur des cérémonies de la messe, que l’on ne conçoit pas comment il est échappé aux catholiques dans leurs disputes avec les protestants. Qu’est-ce qui constitue le culte dans une religion quelconque ? C’est le sacrifice. Une religion qui n’a pas de sacrifice n’a pas de culte proprement dit. Cette vérité est incontestable, puisque chez les divers peuples de la terre les cérémonies religieuses sont nées du sacrifice, et que ce n’est pas le sacrifice qui est sorti des cérémonies religieuses. D’où il faut conclure que le seul peuple chrétien qui ait un culte est celui qui conserve une immolation.

Le principe étant reconnu, on s’attachera peut-être à combattre la forme. Si l’objection se réduit à ces termes, il n’est pas difficile de prouver que la messe est le plus beau, le plus mystérieux et le plus divin des sacrifices.

Une tradition universelle nous apprend que la créature s’est jadis rendue coupable envers le Créateur. Toutes les nations ont cherché à apaiser le ciel ; toutes ont cru qu’il fallait une victime ; toutes en ont été si persuadées, qu’elles ont commencé par offrir l’homme lui-même en holocauste : c’est le sauvage qui eut d’abord recours à ce terrible sacrifice, comme étant plus près, par sa nature, de la sentence originelle, qui demandait la mort de l’homme.

Aux victimes humaines on substitua dans la suite le sang des animaux ; mais dans les grandes calamités on revenait à la première coutume ; des oracles revendiquaient les enfants même des rois : la fille de Jephté, Isaac, Iphigénie, furent réclamés par le ciel ; Curtius et Codrus se dévouèrent pour Rome et Athènes.

Cependant le sacrifice humain dut s’abolir le premier, parce qu’il appartenait à l’état de nature, où l’homme est presque tout physique. On continua longtemps à immoler des animaux ; mais quand la société commença à vieillir, quand on vint à réfléchir sur l’ordre des choses divines, on s’aperçut de l’insuffisance du sacrifice matériel ; on comprit que le sang des boucs et des génisses ne pouvait racheter