Page:Chateaubriand - Œuvres complètes - Génie du christianisme, 1828.djvu/520

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dans le Nouveau-Monde. Enfin, comme notre code a été formé dans des temps de barbarie, le prêtre étant le seul homme qui eût alors quelques lettres, il ne pouvait porter dans les lois qu’une influence heureuse et des lumières qui manquaient au reste des citoyens.

On trouve un bel exemple de l’esprit de justice que le christianisme tendait à introduire dans nos tribunaux. Saint Ambroise observe que si en matière criminelle les évêques sont obligés par leur caractère d’implorer la clémence du magistrat, ils ne doivent jamais intervenir dans les causes civiles qui ne sont pas portées à leur propre juridiction ; " car, dit-il, vous ne pouvez solliciter pour une des parties sans nuire à l’autre et vous rendre peut-être coupable d’une grande injustice[1]. "

Admirable esprit de la religion !

La modération de saint Chrysostome n’est pas moins remarquable : " Dieu, dit ce grand saint, a permis à un homme de renvoyer sa femme pour cause d’adultère, mais non pas pour cause d’idolâtrie[2]. " Selon le droit romain, les infâmes ne pouvaient être juges. Saint Ambroise et saint Grégoire poussent encore plus loin cette belle loi, car ils ne veulent pas que ceux qui ont commis de grandes fautes demeurent juges, de peur qu’ils ne se condamnent eux-mêmes en condamnant les autres[3].

En matière criminelle, le prélat se récusait, parce que la religion a horreur du sang. Saint Augustin obtint par ses prières la vie des Circumcellions, convaincus d’avoir assassiné des prêtres catholiques. Le concile de Sardique fait même une loi aux évêques d’interposer leur médiation dans les sentences d’exil et de bannissement[4]. Ainsi le malheureux devait à cette charité chrétienne non seulement la vie, mais, ce qui est bien plus précieux encore, la douceur de respirer son air natal.

Ces autres dispositions de notre jurisprudence criminelle sont tirées du droit canonique : " 1 o On ne doit point condamner un absent, qui peut avoir des moyens légitimes de défense. 2 o L’accusateur et le juge ne peuvent servir de témoins. 3 o Les grands criminels ne peuvent être accusateurs[5]. 4 o En quelque dignité qu’une personne soit constituée, sa seule déposition ne peut suffire pour condamner un accusé[6]. "

On peut voir dans Héricourt la suite de ces lois, qui confirment ce que nous avons avancé, savoir que nous devons les meilleures dispositions

  1. Ambros., de Offic., lib. III, cap. III. (N.d.A.)
  2. In cap. Isaï. 3. (N.d.A.)
  3. Héricourt, Lois eccl., p. 760, quest. VIII. (N.d.A.)
  4. Conc. Sard., can. XVII. (N.d.A.)
  5. Cet admirable canon n’était pas suivi dans nos lois. (N.d.A.)
  6. Hér., loc. cit. et seq. (N.d.A.)