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82 RÉVOLUTIONS ANCIENNES.

costumes, les usages et le Dieu même, n'a été qu'une imitation, de ce que Lycurgue fit dans sa patrie. Mais ce qui fut possible chez un petit peuple encore tout près de la nature , et qu'qn peut comparer à une pauvre et nombreuse fa- mille, letoit-il dans un antique royaume de vingt-cinq millions d'habitants ? Dira-t-on que le législateur grec transforma des hommes plongés dans le vice en des citoyens vertueux , et qu'on eût pu réussir également en France ? Certes , les deux cas sont loin d'être les mêmes. Les Lacé- démoniens avoient l'immoralité d'une nation qui existe sans formes civiles; immoralité qu'il faut plutôt appeler un désordre qu'une véritable corruption » une telle société, lorsqu'elle vient à se ranger sous une constitution, se métamor- phose soudainement , parce qu'elle a toute la force primitive, toute la rudesse vigoureuse d'une matière qui n'a pas encore été mise sur le mé- tier. Les François avoient l'incurable corrup- tion des lois ; ils étoient légalement immoraux , comme tous les anciens peuples soumis depuis long-temps à un gouvernement régulier. Alors la trame est usée , et lorsque vous venez à tendre la toile, elle se déchire de toutes parts.

Il y a plus, les grands changements que Ly- curgue opéra à Lacédémone , furent plutôt dans les règlements moraux et civils, que dans les

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