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160 REVOLUTIONS ANCIENNES.

mormoie , ils les font valoir ce qu'ils veulent ; et Ton est forcé de les recevoir selon leur cours, et non pas selon leur véritable prix 1 . On aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler 2 . Il y a à parier que toute idée publique, toute convention reçue , est une sottise , car elle a convenu au plus grand nombre 3 . Les gens foibles sont les troupes légères des méchants -, ils font plus de mal que l'armée même , ils infestent , ils ravagent 4 . Il faut convenir que , pour être homme en vivant dans le monde , il y a des côtés de son âme qu'il faut entièrement paralyser 5 . C'est une belle allégorie dans la Bible , que cet arbre de la science du bien et du mal qui produit la mort. Cet emblème ne veut-il pas dire, que , lorsqu'on a pénétré le fond des choses , la perte des illusions amène la mort de Fâme , c'est- à-dire , un désintéressement complet sur tout ce qui touche les autres hommes ? 6 »

��1 La Rochefoucault, Max. 165. — 2 Id. , Max. 140.

3 Chamfort , Maximes , etc. , page 37. — 4 Id. , ib.

5 Id.,pag. 56. — 6 Id.,pag. 13.

J'invite le lecteur à lire le volume des Maximes de Chamfort (formant le quatrième volume des OEuvres complètes), publié à Paris par M. Ginguené, homme de lettres lui-même, et ami du malheureux académicien. La sensibilité , le tour ori- ginal , la profondeur des pensées en font un des plus intéres- sants, comme un des meilleurs ouvrages de notre siècle. Ceux qui ont approché M. Chamfort savent qu'il avoit dans la con- versation tout le mérite qu'on retrouve dans ses écrits. Je l'ai souvent vu chez M. Ginguené, et plus d'une fois il m'a fait passer d'heureux moments, lorsqu'il consentoit , avec une petite société choisie, à accepter un souper dans ma famille.

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