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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

mari à Fougères, où déjà habitaient mes deux sœurs aînées, mesdames de Marigny et de Québriac. Le mariage de Julie eut lieu à Combourg, et j’assistai à la noce[1]. J’y rencontrai cette comtesse de Tronjoli[2] qui se fit remarquer par son intrépidité à l’échafaud : cousine et intime amie du marquis de La Rouërie,

  1. Le mariage de la troisième sœur de Chateaubriand avec Annibal-Pierre-François de Farcy de Montavalon eut lieu en 1782. Le comte de Farcy était capitaine au régiment de Condé, infanterie.
  2. Il s’agit ici de Thérèse-Josèphe de Moëlien, fille de Sébastien-Marie-Hyacinthe de Moëlien, chevalier seigneur de Trojolif (et non Tronjoli), Kermoisan, Kerguelenet et autres lieux, conseiller au Parlement de Bretagne, et de Périnne-Josèphe de la Belinaye. Elle était née à Rennes le 14 juillet 1759. Elle avait donc vingt-trois ans, lorsque Chateaubriand la vit à Combourg. Quand il écrivit ses Mémoires, il la revoyait encore avec ses yeux de collégien ; mais les témoignages contemporains s’accordent à dire qu’elle n’était ni belle ni jolie. Les mots du texte : et intime amie du marquis de la Rouërie, ne se trouvent pas dans le Manuscrit de 1826. Chateaubriand ici a trop facilement accepté un bruit sans fondement. Thérèse de Moëlien aimait — non la Rouërie — mais le major américain Chafner, qu’elle devait épouser, si elle survivait à la conspiration, où tous deux jouaient un rôle si actif. Le courageux Chafner, en apprenant les dangers dont le trône de Louis XVI était entouré, était accouru d’Amérique pour mettre son dévouement au service du roi qui avait assuré l’indépendance de sa patrie. Thérèse de Moëlien, traduite devant le tribunal révolutionnaire de Paris, avec vingt-six autres accusés, impliqués, comme elle, dans ce qu’on appela la Conjuration de Bretagne, fut guillotinée, le 18 juin 1793. Le major Chafner, qui n’avait pu être arrêté, se trouvant à Londres au moment où la conspiration fut découverte, revint en Bretagne et périt à Nantes, sous le proconsulat de Carrier, après avoir, au milieu des Vendéens, bravement vengé la mort de Mlle  de Moëlien. (Biographie bretonne, tome II, article La Rouërie ; — Crétineau-Joly, Histoire de la Vendée militaire, tome III, chapitre II ; — Théodore Muret, Histoire des guerres de l’Ouest, tome III ; — Frédéric de Pioger, la Conspiration de La Rouarie ; — G. Lenotre.)