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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t3.djvu/210

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

c’est ce que j’ai su personnellement du courage du sujet et de la lâcheté du prince[1].

Le prince Eugène, le 14 janvier 1806, épousa la fille du nouveau roi de Bavière[2] : les trônes s’abattaient de toute part dans la famille d’un soldat de la Corse. Le 20 février l’empereur décrète la restauration de l’église de Saint-Denis ; il consacre les caveaux recons-

  1. André Hofer — le glorieux aubergiste, le Cathelineau du Tyrol, celui que M. Thiers appelle le nommé Hofer, absolument comme on dit, dans un procès-verbal de police dressé contre un cabaretier : le nommé un tel, — André Hofer ne périt point à ce moment, mais cinq ans plus tard, en 1810. Lors de la guerre de 1809, il défendit héroïquement l’indépendance de sa patrie. Après le traité de paix signé à Vienne entre la France et l’Autriche (14 octobre 1809), il mit bas les armes avec les paysans qu’il avait soulevés. Accusé de conserver des intelligences avec les Autrichiens, il fut arrêté et conduit à Mantoue. Le conseil de guerre, devant lequel il fut traduit, n’osa pas le condamner à mort ; deux voix se prononcèrent même pour l’acquittement ; la majorité vota la détention dans une forteresse. Napoléon ne l’entendait point ainsi, et, le 10 février 1810, il écrivit au prince Eugène : « Mon fils, je vous avais mandé de faire venir Hofer à Paris ; mais puisqu’il est à Mantoue, envoyez l’ordre de former, sur le champ, une commission militaire pour le juger et faire exécuter à l’endroit où votre ordre arrivera. Que tout cela soit l’affaire de vingt-quatre heures. » (Mémoires du prince Eugène, tome VI). — À peine le vice-roi eut-il reçu cet ordre, qu’il s’empressa de le faire exécuter. Hofer marcha au supplice avec une fermeté calme et sereine : il refusa de se laisser bander les yeux, et lorsqu’on voulut qu’il se mît à genoux : « Je suis debout, dit-il, devant Celui qui m’a créé, et c’est debout que je lui veux rendre mon âme. » Il donna lui-même l’ordre de faire feu ; il ne fut tué qu’à la seconde décharge.
  2. La princesse Augusta-Amélie, née le 21 juin 1788, fille de Maximilien-Joseph, électeur de Bavière, et de Frédérique-Guillelmine-Caroline, princesse de Bade. Le traité de Presbourg (26 décembre 1805) avait fait de l’électorat de Bavière un royaume auquel avait été annexé le Tyrol. La princesse Augusta-Amélie mourut en 1851.