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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

à Rio-Janeiro pour Lisbonne[1]. C’était un jeu de la fortune digne de notre temps qu’un roi de Portugal allant chercher auprès d’une révolution en Europe un abri contre une révolution en Amérique, et passant au pied du rocher où était retenu le conquérant qui le contraignit autrefois de se réfugier dans le Nouveau-Monde.

« Tout est à craindre de l’Espagne, disais-je (17 mars, no 21) ; la révolution de la Péninsule parcourra ses périodes, à moins qu’il ne se lève un bras capable de l’arrêter ; mais ce bras, où est-il ? c’est toujours là la question. »

Le bras, j’ai eu le bonheur de le trouver en 1823 : c’est celui de la France.

Je retrouve avec plaisir, dans ce passage de ma dépêche du 10 avril, no 26, ma jalouse antipathie contre les alliés et ma préoccupation pour la dignité de la France ; je disais à propos du Piémont :

« Je ne crains nullement la prolongation des troubles du Piémont[2] dans ses résultats immé-

  1. Jean VI, empereur du Brésil et roi de Portugal (1767-1826). Fils de Pierre III et de la reine Marie, il fut nommé régent du royaume de Portugal, en 1792, lorsque sa mère tomba en démence. Attaqué en 1807 par les armées françaises, il se retira avec la famille royale au Brésil, colonie portugaise, et y prit le titre d’empereur. Proclamé roi du Portugal en 1816, à la mort de sa mère, il ne quitta pas cependant Rio-de-Janeiro, et ce fut seulement en 1821 qu’il revint à Lisbonne. Il se vit contraint à son arrivée de sanctionner une constitution proposée par les Cortès ; mais il l’abolit deux ans après. Pendant qu’il était en Portugal, le Brésil se déclara indépendant, et ne lui laissa que le vain titre d’empereur. Il laissa en mourant deux fils, don Pedro (Pierre IV) et don Miguel, célèbres par leur inimitié.
  2. Au moment où la révolution de Naples expirait, des troubles avaient éclaté dans le Piémont. Le 10 mars 1821, la garnison