Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t4.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
388
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

mais je puis me tuer, » il dit tout à coup en réflexion générale : « J’oublie que l’amour ne s’arrache pas, il s’obtient. » Puis il ajoute : « Après la réception de votre billet, j’en ai reçu plusieurs diplomatiques ; j’ai appris une nouvelle que le bruit public vous aura sans doute apprise. Les félicitations m’entourent, m’étourdissent… on me parle de ce qui n’est pas vous ! » Puis, encore une exclamation : « Que la nature est faible, comparée à l’amour ! »

« Cette nouvelle qui trouvait Lucien insensible était pourtant une nouvelle immense : le débarquement de Bonaparte à son retour d’Égypte.

« Un destin nouveau venait de débarquer avec ses promesses et ses menaces ; le dix-huit brumaire ne devait pas se faire attendre plus de trois semaines.

« À peine échappé au danger de cette journée, qui tiendra toujours une si grande place dans l’histoire, Lucien écrivait à madame Récamier : « Votre image m’est apparue !… Vous auriez eu ma dernière pensée. »

SUITE DU RÉCIT DE BENJAMIN CONSTANT.

« Madame Récamier contracta, avec une femme bien autrement illustre que M. de Laharpe n’était célèbre, une amitié qui devint chaque jour plus intime et qui dure encore.

« M. Necker, ayant été rayé de la liste des émigrés, chargea madame de Staël, sa fille, de vendre une maison qu’il avait à Paris. Madame Récamier