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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t4.djvu/407

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

de Devonshire[1], lady Melbourne, la marquise de Salisbury, la margrave d’Anspach[2], dont il avait été amoureux. Son ambassade était encore célèbre, son souvenir tout vivant chez ces respectables dames.

Telle est la puissance de la nouveauté en Angleterre, que le lendemain les gazettes furent remplies de l’arrivée de la beauté étrangère. Madame Récamier reçut les visites de toutes les personnes à qui elle avait envoyé des lettres. Parmi ces personnes, la plus remarquable était la duchesse de Devonshire, âgée de quarante-cinq à cinquante ans. Elle était encore à la mode et belle, quoique privée d’un œil qu’elle couvrait d’une boucle de ses cheveux. La première fois que madame Récamier parut en public, ce fut avec elle. La duchesse la conduisit à l’opéra dans sa loge, où se trouvaient le prince de Galles, le duc d’Orléans et ses frères, le duc de Montpensier et le comte de Beaujolais : les deux premiers devaient devenir rois ; l’un touchait au trône, l’autre en était encore séparé par un abîme.

  1. Georgina Spenser, duchesse de Devonshire (1746-1806), célèbre par son esprit et sa beauté. Elle se mêla aux luttes politiques de son temps, soutint Fox et écrivit plusieurs poésies, dont la principale, le Passage du mont Saint-Gothard, a été traduite par Delille.
  2. Elisabeth Craven, margravine d’Anspach (1750-1828). Fille du comte de Berkeley, elle épousa d’abord lord Craven, dont elle eut sept enfants. Abandonnée par son mari, elle demanda le divorce, et quitta l’Angleterre pour voyager. Devenue veuve en 1790, elle épousa en secondes noces le margrave d’Anspach et vint demeurer avec lui en Angleterre, dans la terre de Brandebourg-House. Après la mort de ce prince (1806), elle recommença ses voyages et mourut à Naples à l’âge de 78 ans. Elle a composé des pièces de théâtre, un Voyage à Constantinople en passant par la Crimée, traduit trois fois en français, et des Mémoires fort curieux, qui parurent à Londres en 1825 et furent traduits, l’année suivante, par J.-T. Parisot (2 vol. in-8o).