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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

du temps. Madame Récamier se retira en Italie[1] ; M. de Montmorency l’accompagna jusqu’à Chambéry. Elle traversa le reste des Alpes, n’ayant pour compagne de voyage qu’une petite nièce âgée de sept ans, aujourd’hui madame Lenormant.

Rome était alors une ville de France, capitale du département du Tibre. Le pape gémissait prisonnier à Fontainebleau, dans le palais de François Ier.

Fouché, en mission en Italie, commandait dans la cité des Césars, de même que le chef des eunuques noirs dans Athènes : il n’y fit que passer[2] ; on installa M. de Norvins[3] en qualité de préfet de police : le mouvement était sur un autre point de l’Europe.

Conquise sans avoir vu son second Alaric, la ville éternelle se taisait, plongée dans ses ruines. Des artistes demeuraient seuls sur cet amas de siècles. Canova reçut madame Récamier comme une statue grecque que la France rendait au musée du Vatican : pontife des arts, il l’inaugura aux honneurs du Capitole, dans Rome abandonnée.

Canova avait une maison à Albano ; il l’offrit à madame Récamier ; elle y passa l’été. La fenêtre à balcon

  1. Au printemps de 1813.
  2. Sur le séjour de Fouché à Rome en 1813, voir, à l’Appendice du tome III du Mémorial de Norvins, les très curieuses pages intitulées : Fouché à Rome.
  3. Jacques Marquet de Montbreton, baron de Norvins (1769-1854). Son Histoire de Napoléon (1827, 4 vol. in-8o), après avoir joui d’une grande vogue, est aujourd’hui oubliée. Ses Mémoires, publiés en 1896 par M. Lanzac de Laborie sous le titre : Mémorial de J. de Norvins (3 vol. in-8o) resteront. Parmi les nombreux Mémoires publiés en ces dernières années, ils méritent de tenir un des premiers rangs, à côté de ceux du chancelier Pasquier et du général Marbot.