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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

La chaire a pour dais un élégant clocher terminé en pointe comme une mitre ; l’intérieur de ce clocher se compose d’un noyau autour duquel tourne une voûte hélicoïde à filigranes de pierres. Des aiguilles symétriques, perçant le dehors, paraissent avoir été destinées à porter des cierges ; ils illuminaient cette tiare quand le pontife prêchait les jours de fête. Au lieu de prêtres officiant, j’ai vu de petits oiseaux sautillants dans ces feuillages de granit ; ils célébraient la parole qui leur donna une voix et des ailes le cinquième jour de la création.

La nef était déserte ; au chevet de l’église, deux troupes séparées de garçons et de filles écoutaient des instructions.

La réformation (je l’ai déjà dit) a tort de se montrer dans les monuments catholiques qu’elle a envahis ; elle y est mesquine et honteuse. Ces hauts portiques demandent un clergé nombreux, la pompe des solennités, les chants, les tableaux, les ornements, les voiles de soie, les draperies, les dentelles, l’argent, l’or, les lampes, les fleurs et l’encens des autels. Le protestantisme aura beau dire qu’il est retourné au christianisme primitif, les églises gothiques lui répondent qu’il a renié ses pères : les chrétiens, architectes de ces merveilles, étaient autres que les enfants de Luther et de Calvin.

19 mai 1833.

Le 19 mai, à midi, j’avais quitté Ulm. À Dillingen, les chevaux manquèrent. Je demeurai une heure dans la grande rue, ayant pour récréation la vue d’un nid de cigogne planté sur une cheminée comme sur un minaret d’Athènes ; une multitude de moineaux