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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE
et primitive qu’une idylle de Théocrite, aussi gracieuse et plus mélancolique qu’une ode d’Anacréon, harmonieuse autant que les vers de Racine et de La Fontaine ; et, comme à la fin de mon enthousiasme je m’étais mis à sourire : « Qu’est-ce donc ? » me dit le poète alarmé, « quelque négligence ? — Oh ! non, », répliquai-je ; mais c’est ce « je vis de peu » qui m’embarrasse, et sur lequel pourtant la phrase tombe avec tant de naïveté et d’effet. — Eh bien ? » reprit M. de Chateaubriand avec vivacité. — « Avez-vous donc oublié si vite que le duc d’York, héritier présomptif de la couronne, dîne chez vous ce soir, et que nous avons hier dressé ensemble, sous la dictée de notre célèbre Montmirel, l’édifice du plus splendide festin qui ait jamais embaumé les cuisines et honoré les annales de la diplomatie ? — Ah ! c’est vrai, » me répondit-il ; « je n’y songeais pas ce matin. »
Cette charmante invocation à l’hirondelle, dit en terminant M. de Marcellus, ne devait pas s’envoler avec le songe qui l’avait fait naître, et je l’ai retrouvée dans les Mémoires d’Outre-Tombe, autrement encadrée sans doute, mais toujours amenée par les réminiscences de la chanson grecque, qui réveillait chez M. de Chateaubriand de si doux souvenirs.


II

LE MARIAGE MORGANATIQUE DE LA DUCHESSE DE BERRY[1]

Le comte de la Ferronnays, au cours de ses entretiens avec le roi Charles X au château de Hradschin, avait été amené à lui dire :

Si Madame ne s’est pas rendue encore à la volonté de Sa Majesté, si elle s’est jusqu’ici refusée à fournir la preuve qu’on lui demande, c’est que ses conseils de Paris, M. Hennequin entre autres, l’ont effrayée sur les conséquences que pourrait avoir pour elle la publicité que l’on voudrait peut-être donner à son mariage. On lui a dit que Votre Majesté ne serait satisfaite que lorsqu’elle aurait entre ses mains l’acte original. Or, Madame, je le crains, ne se dessaisira jamais de cette pièce. Mais s’il existait un autre moyen d’acquérir la certitude que veut
  1. Ci-dessus, p. 301.