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VIE DE RANCÉ

Paul-Louis Courier aurait-il cru que l’immortalité pouvait porter la haire et se rencontrer dans les larmes ? Le réformateur de La Trappe a grandi à Véretz ; l’auteur du pamphlet des pamphlets a diminué. La vie dans sa pesanteur descendit sur un esprit qui s’était dressé pour morguer le ciel. Chose remarquable ! Courier, le philosophe, a fait ses adieux au monde par les mêmes paroles que Rancé, le chrétien, avait perdues dans les bois : « Détournez de moi le calice ; la cigüe est amère. »

Véretz, au milieu du dix-huitième siècle, était la possession du duc d’Aiguillon, ministre de Louis XV. Ce ministre de perdition, comme tous les hommes d’alors, y fit imprimer à cinq ou sept exemplaires le Recueil des pièces choisies, pages obscènes et impies de madame la princesse de Conti. Le château de Véretz fut démoli pendant la révolution, piscine de sang où se lavèrent les immoralités qui avaient souillé la France. À Véretz et à la Trappe, Rancé a laissé ses deux parts : à Veretz, la légèreté, l’irréligion, les mauvaises mœurs, suivies d’une destruction complète ; à la Trappe la gravité, la sainteté, la pénitence, qui ont survécu à tout.

Après la vente de Véretz, Rancé se défit de ses