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VIE DE RANCÉ

quenté l’auteur du tableau du Déluge. Ce tableau rappelle quelque chose de l’âge délaissé et de la main du vieillard : admirable tremblement du temps ! souvent les hommes de génie ont annoncé leur fin par des chefs-d’œuvre : c’est leur âme qui s’envole.

Enfin la Léonora de Milton pouvait, à la rigueur, exister : Mazarin l’avait fait venir à ses concerts ; peut-être était-elle là, ne rendant plus aucun bruit ; lyre sans cordes. Rancé ne fut pas touché de la grandeur, des campagnes romaines, ces sortes d’idées n’étaient pas encore nées : toutefois saint François avait chanté la beauté de la création éclose de la bonté de Dieu. Il y avait bien des images dignes de la mélancolie dans cette terre de tous les regrets ; Rancé eût pu marcher avec les derniers pas du jour sur le sommet du Soracte ; du haut du mont Marius, il eût aperçu les plages de Civita-Vecchia ; à Ostie il eût rejoint le sable facile à se creuser. Lord Byron avait marqué sa fosse aux grèves de l’Adriatique. Mais rien ne plaisait à Rancé, dont le cœur était plus triste que la pensée.

Et cependant, s’il ne s’était trop enseveli dans la préoccupation de ses fautes, il eût rencontré dans Rome même de quoi contenter sa ferveur.