Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
LIVRE DEUXIÈME

à prier dans ces habitacles oubliés sur tant de collines célèbres.

La pénitence sortie de Rome errait à l’entour ; pauvre piferario des Abruzzes, elle faisait entendre le son de sa musette devant une madone. Rancé s’avançait quelquefois seul devant le labyrinthe des cercueils, soubassement de la cité vivante. Il n’y a peut-être rien de plus considérable dans l’histoire des chrétiens que Rancé inconnu priant à la lumière des étoiles, appuyé contre les aqueducs des césars à la porte des catacombes ; l’eau se jetait avec bruit par-dessus les murailles de la ville éternelle, tandis que la mort entrait silencieusement au-dessous par la tombe.

Rancé avait désiré accomplir les fêtes de Noël dans un couvent de son ordre ; il y renonça lorsqu’il eut appris d’un vieux moine qu’on ne faisait point à table de lecture pieuse et qu’on jouait aux cartes après souper. Confiné dans sa maison, il écrivait : « Je passe ici ma vie dans une langueur et dans une misère que je ne puis vous exprimer. Rome m’est aussi peu supportable que la cour me l’était autrefois. Je ne vous dirai rien des curiosités de Rome : je ne les vois point et je ne me sens touché d’aucun désir de les voir. Mon unique consolation est celle que je trouve