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VIE DE RANCÉ

portunent par mes yeux elles entrent dans mon esprit, et portent avec elles l’inquiétude. Fermons les yeux, ô mon âme ! tenons nous si éloignés de toutes ces choses que nous ne puissions les voir et en être vus. »

Après ces éjaculations on surprenait le moine les yeux levés vers le ciel. Il devenait immense ; il s’agrandissait de toute la gloire éternelle. Il y a des tableaux qui représentent saint François aux bords de la mer, en face de petits anges réunis dans des branchages dépouillés.

Le 20 mai 1666 revit Rancé dans les obscurs chemins du Perche. Ce n’étaient là ni les restes de la voie Appia, ni de la voie Claudia : Rancé ne rapportait aucun souvenir de Rome, où tant de passions se sont formées, d’où tant d’hommes n’ont point voulu revenir. Les Troyens restèrent à Albe avec leurs dieux. Rancé n’avait même pas cueilli, pour la joindre aux fleurs du printemps, qui commençaient à renaître à la Trappe, ces tubéreuses murales qui croissent sur l’enceinte ébréchée de Rome, où les vents transportent çà et là leurs échafauds mobiles.

Des divisions s’étaient élevées entre le prieur et le sous-prieur : le prieur avait rempli les cellules de meubles inutiles ; le travail des mains