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LIVRE TROISIÈME

Rancé fit bâtir deux chapelles, l’une en l’honneur de saint Jean Climaque, l’autre en l’honneur de sainte Marie d’Égypte : j’en ai déjà parlé. Il déposa sur l’autel de l’église les reliques qu’il avait apportées de Rome, et qui s’enrichirent ensuite de quelques autres. Dans l’église il remplaça, et il eut tort, par un beau groupe, cette vierge de peu de prix qui, sur la cime des Alpes, rassérène les lieux battus des tempêtes. Rancé retira le couvent de la désolation humaine, et l’épura par la désolation chrétienne. Ces lieux, que les Anglais avaient fait retentir de leurs pas armés, ne répétèrent que le susurrement de la sandale.

L’abbaye n’avait pas changé de lieu : elle était encore, comme au temps de la fondation, dans une vallée. Les collines assemblées autour d’elle la cachaient au reste de la terre. J’ai cru en la voyant revoir mes bois et mes étangs de Combourg le soir aux clartés allenties du soleil. Le silence régnait : si l’on entendait du bruit, ce n’était que le son des arbres ou les murmures de quelques ruisseaux ; murmures faibles ou renflés selon la lenteur ou la rapidité du vent ; on n’était pas bien certain de n’avoir pas ouï la mer. Je n’ai rencontré qu’à l’Escurial une pareille absence de vie : les chefs-d’œuvre de Raphaël se regardaient