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VIE DE RANCÉ

âpreté devait plaire à un solitaire. Tout cela nous paraîtra accablant aujourd’hui, car l’esprit humain n’a plus la force de se tenir debout. Rancé, influencé par Bossuet, changea d’opinion ; il cessa de tolérer ce qu’il avait respecté. La permanence n’appartient qu’à Dieu. Manet in æternum.

Dans l’année 1678, Rancé fit au maréchal de Bellefonds une déclaration de ses principes : Bellefonds était ce même maréchal puni à la guerre pour deux désobéissances heureuses, et auquel Bossuet écrivit une lettre sur la conversion de madame de La Vallière. La lettre de Rancé est devenue rare : il s’agissait de repousser les accusations qui s’élevaient contre les rigueurs de La Trappe :

« S’il n’est pas impossible, dit l’abbé au maréchal, de chanter les cantiques du Seigneur dans une terre étrangère, il faut croire cependant qu’il est difficile de garder fidèlement ses voies lorsqu’on est environné d’affaires et de plaisirs.

» Dieu n’a pas commandé à tous les hommes de quitter le monde ; mais il n’y en a point à qui il n’ait défendu d’aimer le monde.

» Ma profession veut que je me regarde comme un vase brisé qui n’est plus bon qu’à être foulé