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LIVRE QUATRIÈME

il eut des adversaires plus ignorants, par conséquent plus sûrs d’eux-mêmes. On lui apporta un matin une satire contre sa personne ; il la lut, loua ce qu’il y trouva de bien, et dit : « Voilà une excellente préparation pour la messe. » Il allait à l’autel.

Dans le remuement des choses diverses dont il avait été si longtemps le témoin, il avait toujours conservé sa paix. Pendant ses voyages, il se détournait le plus qu’il pouvait des grands chemins. Il suivait des sentiers au milieu des blés, tenant les yeux attachés sur le soleil prêt à se coucher parmi les moissons. Si par hasard il rencontrait quelque banne, il demandait la permission d’y monter. « Ce serait plutôt à moi, disait-il, de conduire cette charrette qu’à ce paysan, parce que, quoiqu’il soit pauvre, c’est un homme de bien. Moi, je suis toujours le plus malheureux de tous les pécheurs. » Il avertit ses frères des maux dont la maison était menacée. À l’anniversaire de sa profession d’abbé, des moines assemblés en chapitre firent à genoux cette protestation : « Nous protestons de garder notre sainte règle dans toute son étendue. » Rancé commença : il renonça de nouveau au monde pour ne s’occuper que des années éternelles.