Page:Chateaubriand - Vie de Rancé, 2è édition, 1844.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
VIE DE RANCÉ

quelle verve ! quelle élévation ! quelles images ! quelle latinité ! Parlez-vous d’une même personne ? me direz-vous. Oui, du même, de Théodas et de lui seul. Il crie, il s’agite, il se roule à terre, il se relève, il tonne, il éclate, et du milieu de cette tempête il sort une lumière qui brille et qui réjouit ; disons-le sans figure, il parle comme un fou et pense comme un homme sage, dit ridiculement des choses vraies, et follement des choses sensées et raisonnables ; on est surpris de voir naître et éclore le bon sens du sein de la bouffonnerie, parmi les grimaces et les contorsions. Qu’ajouterai-je davantage ? Il dit et il fait mieux qu’il ne sait : ce sont en lui comme deux âmes qui ne se connaissent point, qui ne dépendent point l’une de l’autre, qui ont chacune leur tour ou leurs fonctions toutes séparées. Il manquerait un trait à cette peinture si surprenante si j’oubliais de dire qu’il est tout à la fois avide et insatiable de louanges, près de se jeter aux yeux de ses critiques, et dans le fond assez docile. »

Santeuil, dont La Bruyère trace ainsi le portrait, allait à la Trappe et s’asseyait au chœur parmi les moines comme un petit sapajou. « J’ai vu, dit Rancé à l’abbé Nicaise, les hymnes de M. de Santeuil pour le jour de Saint-Bernard ; elles