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LIVRE QUATRIÈME

manquèrent pas aux banalités de l’éloquence : il y eut pourtant cela de vrai à l’adresse de Jacques, que sa piété était sincère. Rancé le conduisit à l’église. Le prince assista à ces complies si religieusement et si tristement chantées. Il partagea le repas commun, et demanda à l’abbé ce qui se passait dans la solitude. Le lendemain il communia, puis il parcourut entre deux étangs une chaussée où se promenait Bossuet avec Rancé. Jacques était un de ces oiseaux de mer que la tempête jette dans l’intérieur des terres. Il alla avec plusieurs gentilshommes de son ancienne cour visiter un solitaire jadis soldat de Louis XIV et qui s’était retiré dans les bois de la Trappe. « À quelle heure entendez-vous la messe ? dit le roi. — À trois heures et demie du matin, répondit l’ermite. — Comment pouvez-vous faire, dit lord Dumbarton, dans les temps de pluie et de neige où l’on ne peut distinguer les sentiers ? — Je rougirais, répondit le soldat, de compter pour quelque chose des peines légères qui se rencontrent dans le service que je tâche de rendre à mon Dieu, après que j’ai méprisé celles qui se pouvaient rencontrer dans le service que je rendais à mon roi. — Vous avez bien raison, dit Jacques, on ne peut assez s’étonner qu’on fasse tant pour un roi de la terre et presque rien