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VIE DE RANCÉ

Ainsi se consomma le sacrifice. Le repentir vous isole de la société, et n’est pas estimé à son prix. Toutefois l’homme qui se repent est immense : mais qui voudrait aujourd’hui être immense sans être vu ? Rancé arriva de sa hutte d’argile à la maison de Dieu, maison magnifique.

Rancé fut porté à l’église et placé sous la lampe. Son visage, qui avait paru décharné, parut vermeil et beau. Il demeura dans l’église depuis le 27 octobre jusqu’au 29. Les moines se tenaient debout ou fondaient en larmes : c’était à qui ferait toucher au corps des linges et des chapelets. Trente religieux chantaient les psaumes : des messes se célébraient successivement dans l’église. Lorsqu’on le mit dans la fosse, le chœur récitait ce verset du psaume CXXXI : « C’est là que j’habiterai, parce que je l’ai choisi. » On l’inhuma dans le cimetière. Le pasteur fut placé au milieu de ses brebis. Des témoignages authentiques furent rendus à Rancé, qui pourraient servir aujourd’hui à sa canonisation. Il apparut après sa mort à diverses personnes dans une grande gloire. Les rois témoignèrent de leur douleur, soit qu’ils fussent tombés, soit qu’ils occupassent encore le trône. Jacques écrivait : « J’irai dans votre sainte solitude pour l’amour de moi-