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LIVRE PREMIER

ouï l’apostrophe de l’orateur aux cendres de Montausier : « Ce tombeau s’ouvrirait, ses cendres se ranimeraient pour me dire : Pourquoi viens tu mentir pour moi, qui ne mentis jamais pour personne ? » Madame de Montausier se retira, languit et disparut : on entendit à peine se refermer sa tombe.

Hélas ! une des plus belles renommées commencées à l’hôtel de Rambouillet s’ensevelit à Grignan, à la source de son immortalité. Madame de Sévigné ne s’était pas fait illusion sur sa jeunesse, comme Madame de Montausier. Elle écrivait à sa fille : « Je vois le temps accourir et m’apporter en passant l’affreuse vieillesse. » Elle écrivait encore à ses enfants : « Vous voilà donc à nos pauvres Rochers. » Et c’était là qu’avait habité longtemps madame de Sévigné elle-même. La lettre datée de Grignan, du 29 mars 1696, quatre ans avant la mort de Rancé, regarde le jeune Blanchefort, « arraché comme une fleur que le vent emporte ». Cette lettre est une des dernières de l’Épistolaire ; plainte du vent qui passe sur un tombeau. « Je mérite, dit-elle, d’être mise dans la hotte où vous mettez ceux qui vous aiment, mais je crains que vous n’ayez point de hottes pour ces derniers. » Ces hottes ne pèsent guère ; elles ne