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VIE DE RANCÉ

Loin de là se trouvait une autre société, qui prenait le nom du Marais et dont les personnages se mêlaient parfois à ceux de l’hôtel de Rambouillet. Là régnait le grand Condé et passait Molière ; on y rencontrait La Rochefoucauld, Longueville, d’Estrées, La Châtre. Condé avait quitté les petits maîtres, ses premiers compagnons, et n’apprenait plus à monter à cheval avec Arnauld d’Andilly. Molière puisa dans une conversation avec Ninon, qui se trouvait là, la peinture de l’hypocrite, dont il fit ensuite le Tartufe.

Ninon, puisque l’histoire, qui malheureusement ne sait point rougir, force à prononcer son nom, paraîtrait cependant n’avoir pas été connue de Rancé. Elle était impie ; de là la faveur dont elle a joui dans le XVIIIe siècle ; philosophe et courtisane, c’était la perfection. On a fait trop de bruit de la fidélité que mademoiselle de Lenclos mit à rendre un dépôt : cela prouve qu’elle ne volait pas. Son incrédulité passait sous la protection de son esprit : il fallait qu’elle en eût beaucoup pour que mesdames de La Suze, de Castelnau, de La Ferté, de Sully, de Fiesque, de La Fayette, ne fissent aucune difficulté de la voir. Madame de Maintenon, n’étant encore que madame Scarron, était liée