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LIVRE PREMIER

mille francs pour acquérir des livres, et apparemment le cercueil que l’Égypte faisait tourner autour de la table du festin. Ninon, dévorée du temps, n’avait plus que quelques os entrelacés, comme on en voit dans les cryptes de Rome. Les temps de Louis XIV ne rendent pas innocent ce qui sera éternellement coupable, mais ils agrandissent tout ; placez-la hors de ces temps, que serait-ce aujourd’hui que Ninon ?

Au moment que paraît Ninon se lève un nouvel astre, madame Scarron. Elle demeurait avec son mari vers la rue du Mouton. Scarron, étant au Mans, s’était enduit de miel, et roulé dans un tas de plumes ; il avait jouté dans les rues en façon de coq. Tout cul-de-jatte qu’il était, il épousa mademoiselle d’Aubigné, belle et pauvre, née dans les prisons de la conciergerie de Niort, élevée au Château-Trompette, où Agrippa d’Aubigné avait été transféré. Elle revenait d’Amérique ; son père Agrippa y avait passé. L’amiral Coligny avait voulu, dans les Florides, fonder une colonie.

Selon Segrais, mademoiselle d’Aubigné fut recherchée dans son enfance par un serpent : Alexandre est au fond de toute l’histoire. Retirée chez madame de Villette, calviniste, et chez madame de Neuillant, avare, madame de Maintenon